Je viens de publier ma critique sur mon blog:
http://cecile-desbrun.over-blog.com/article-anoki-de-cordelia-critique-du-roman-64579966.html.
J'avoue que si j'ai apprécié l'écriture de l'auteur et le roman dans l'ensemble, je n'ai pas accroché plus que ça et je suis restée assez distante vis-à-vis du personnage d'Anoki. Dommage!
Voici le copier-coller de ma critique:
Second livre des Editions Praelego que je découvre dans le cadre d'un partenariat littéraire avec le forum Accros & Mordus de lecture, Anoki de Cordélia est un roman très court (76 pages), onirique et singulier, qui se distingue par la belle écriture tout en finesse de son auteur, mais que je n'ai pas réussi à apprécier autant que je l'aurais voulu.
L'histoire est simple: Anoki est une jeune femme rêveuse qui vit principalement dans sa tête et ne se remet pas d'une rupture amoureuse. Un brin sauvage et d'un caractère entier, elle se perd dans des étreintes charnelles passagères pour tromper sa douleur. Paul est un sculpteur entièrement dédié à son art, bienveillant mais sarcastique. Son divorce l'a laissé amer. Lorsque ce dernier cherche un appartement suffisamment grand pour lui servir d'atelier, il se rend dans l'agence où travaille Anoki. On devine que les deux vont finir par s'aimer mais comment?
Le roman commence par une très belle introduction onirique. Il s'agit d'un rêve, mais on ne s'en rend pas compte tout de suite. Lorsque le passage bascule complètement dans l'irréel, on se sent de prime abord dérouté (j'ai relu les lignes pour être sûre d'avoir bien compris), puis bientôt charmé par la plume de Cordélia, qui sait trouver des images tout à fait surprenantes pour évoquer le malaise amoureux et existentiel de son héroïne. Si l'intrigue en elle-même est conventionnelle, l'approche l'est beaucoup moins: l'auteur nous plonge littéralement dans la tête et les rêves plus ou moins éveillés d'Anoki, et efface tout ce qui est trop concret et auquel on pourrait se raccrocher.
Cette dernière spécificité est sans doute ce qui m'a tenue à l'écart de l'héroïne et son histoire en fin de compte: elle m'a semblée trop évasive, trop distante et je n'ai pas pu m'y attacher. L'aspect onirique en lui-même m'a beaucoup plu. Être plongée dans les pensées souvent fugaces d'un personnage n'est pas quelque chose qui me gêne habituellement (Virginia Woolf est mon auteur préférée), mais là, j'ai eu l'impression de rester simple spectatrice de l'histoire d'Anoki, sans m'y sentir vraiment impliquée, et l'écriture a renforcé ce sentiment de distance paradoxal. Le raffinement de celle-ci, aussi brillante soit-elle, n'a pas réussi à me rendre palpable cette jeune femme, qui a pourtant toutes les caractéristiques pour qu'on s'identifie à elle.
Je n'ai pas pu ressentir son désarroi, décrit de manière soit trop imagée, soit trop froide. Malgré la fantaisie assumée du roman, la description des émois de l'héroïne m'a parue trop intellectualisée, trop raisonnée pour qu'on y croit vraiment, y compris dans le dénouement. Pourtant, j'ai trouvé les métaphores exprimées par les sculptures de Paul intéressantes, mais tout est trop explicite, trop évident. L'artiste révèle de but en blanc leur signification et on comprend immédiatement le sens qu'elles peuvent avoir pour les personnages. Je ne me suis pas sentie touchée.
De même, le fameux Thomas que pleure Anoki est trop fantomatique pour qu'on puisse vraiment comprendre son chagrin. Hormis le moment de leur rencontre, on ne sait rien de leur relation, de leur rupture et, pour le coup, un peu plus d'éléments concrets et conventionnels auraient été les bienvenus pour aider l'identification, même s'il est facile de comprendre la souffrance de quelqu'un qui a été quitté par un être cher. Par ailleurs, le personnage de Vincent, le meilleur ami d'Anoki, est évincé en une seule ligne, sans que jamais on ne revienne sur cette étrange disparition. Cela est d'autant plus curieux que ce dernier était bien plus concret que Thomas et je me suis sentie légèrement flouée de ne pas connaître le ressenti de l'héroïne à ce sujet, comme si cela ne constituait qu'un détail pour l'auteur et qu’elle a préféré s’en débarrasser pour aller directement à l'essentiel: la relation naissante Paul-Anoki.
Ainsi, si j'ai apprécié le roman dans l'ensemble, j'ai été gênée par cette distance qui, je pense, n'était pas voulue par Cordélia. Une autre personne du forum Accros & Mordus de lecture ne partage pas ce point de vue et a adoré ce livre. Mon ressenti est donc bien entendu subjectif et Anoki parlera probablement plus à d'autres lecteurs, mais je suis restée sur ma faim, frustrée de ne pas rentrer dans l'histoire. Je continuerai néanmoins de suivre la carrière littéraire de cet auteur multidisciplinaire puisque Cordélia (Cordélia Béridot de son nom complet) est également une flûtiste chevronnée et artiste-peintre. Son écriture témoigne d'un réel talent et d'une sensibilité singulière, et je suis curieuse de voir quelle histoire elle choisira de nous raconter la prochaine fois, si elle décide d'écrire un second roman.
Merci aux Editions Praelego et au forum Accros & Mordus de Lecture de m'avoir fait parvenir ce roman.