Tome 1 : La Déchirure
Ce livre est le premier volume d'une série qui s'annonce prometteuse. Il conte l'éducation de Jarmère Burvelle, de son enfance à sa première année à l'école militaire royale de la Cavalla. Jamère est le deuxième fils d'un ancien militaire anobli pour ses actions dans l'armée. Comme son père, en qualité de deuxième fils d'un noble, son destin est tout tracé : il sera militaire. Son éducation et par là toute son enfance est donc tourné vers ce but.
Le contexte de l'histoire est posé... Et la comparaison avec les autres séries de Robin Hobb est inévitable.
Tout d'abord, l'éducation de Jamère n'est pas sans rappeler celle de FitzChevalerie (l'Assassin Royal). En effet, de nombreux thèmes chers à l'auteur se retrouvent ici : l'éducation, la vie comme vecteur d'apprentissage, l'innocence... Mais aussi, un royaume politiquement instable, la guerre et les conflits, les religions et les existences prédestinées.... La trame très classique de l'aventure... Bref on reconnaît la patte de Robin Hobb sans détour.
Oui mais la comparaison avec les autres séries de Robin Hobb s'arrête à peu près là... Ici, on est loin de la société médiévale classique de la fantasy. L'armée, les militaires gerniens ont des armes autrement plus élaborées : fusils.... Et bien sûr la Cavalla : la cavalerie ! Le parallèle avec la Conquête de l'Ouest américain est vite fait. Le peuple des Nomades est un parfait ersatz des Indiens d'Amérique : ils peuplent les plaines de l'Est et sont divisés en clans qui se font la guerre les uns aux autres. Lorsque débute l'histoire, les Nomades ont été vaincus et les Gerniens (le peuple de Jamère) continuent leurs chemins vers l'Est dans les forêts des contreforts de la Barrière, une chaîne de Montagnes. Ces forêts sont peuplés par les Ocellions à la peau marbrée. Protecteur de la Forêt, ces derniers sont très mystérieux et on apprend peu de choses à leur sujet dans ce premier volume. On suppose toutefois qu'ils utilisent comme arme de guerre la maladie : la Peste Ocellione.Cette arme biologique des Ocellions sera confirmée dans le volume 2 (Le Cavalier Rêveur).
De nombreux exemples peuvent encore étayer cette analogie. C'est un cadre original pour une histoire relativement classique donc.
Des thèmes classiques : magie, apprentissage, … Mais pas que : ici aucun peuple n'est tout blanc ou tout noir...
Les Gerniens, monothéistes, tentent d'imposer leur civilisation sédentaire aux Nomades et aux Ocellions par la force. Ils ne tolèrent pas particulièrement bien la différence et sont embourbés dans des querelles politiques et des luttes d'influence ou encore le bizutage. Toutefois, leur société porte en idéal la bonté, le devoir et l'entraide... Malgré leur religion, certains conservent les traces d'une magie ancienne, une magie du fer, cette magie qui annihile celle des autres... (trame très classique du fer qui vainc la féérie).
Les Nomades, fiers peuplades des plaines, sont d'abord présentés comme des victimes : pauvres sauvages vaincus par les Gerniens et obligés d'abandonner leur tradition pour vivre selon la civilisation gernienne. On les découvre davantage lorsque Jamère est confié à Dewara par son père. Jamère découvre alors le Nomade d'un oeil différent : les Nomades sont des guerriers qui s'entre déchirent presque pour le plaisir. Capables du pire comme du meilleur, bref une civilisation et un mode de vie dur, adapté aux plaines si peu accueillantes. Leur magie et leur existence est celle de la Nature : les Dieux anciens et la loi du plus fort.
Les Ocellions sont les plus mystérieux. On en apprend très peu sur eux dans ce premier tome. Les seules certitudes à leur sujet c'est qu'ils ont vaincu les Nomades et que ce sont eux qui les ont obligés à vivre sur la plaine. Les Ocellions protègent la forêt et pour eux, peu importe les moyens à mettre en oeuvre pour le faire. On suppose ensuite qu'ils sont à l'origine de la Peste Ocellione, qu'ils sont retors et qu'ils possèdent une magie très puissante dont la source est la forêt.
En résumé, des peuples très humains finalement avec leurs défauts et leurs qualités. Ils sont décrits avec une parfaite objectivité par l'auteur.
En résumé, derrière le choc des cultures et des croyances, Robin Hobb nous montre une nouvelle fois que l'originalité peut se retrouver dans le plus pur classicisme. Elle nous livre les premières pages d'une série qui s'annonce très dense et finalement qui s'éloigne un peu des sentiers battus. L'écriture est toujours autant à la hauteur, plus adulte même que dans "l'Assassin Royal" ou dans "les Aventuriers de la Mer". Les thèmes abordés sont également plus sombres. Le premier tome d'une série qui s'annonce plus adulte et plus noire donc... Le défi de la comparaison avec les autres séries de l'auteur est donc relevé et avec brio...
Un grand merci à J'ai lu de m'avoir fait découvrir cette série!
_________________________________________________No good deed goes unpunished