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Sujet: Manon des sources Jeu 11 Juil - 12:53
Manon des sources
Marcel Pagnol
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aurélie
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“Lis avec lenteur à une époque où l'on nous parle de lecture rapide et de lecture en diagonale.”
Dernière édition par L'erreur sociale le Jeu 11 Juil - 21:21, édité 2 fois (Raison : Corrigé par L'erreur sociale)
Aurélie
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Sujet: Re: Manon des sources Ven 20 Mai - 10:32
Le temps a passé depuis la mort du Bossu et Manon a bien grandi. Elle vit au fond de la garrigue avec sa mère, dans la grotte de Baptistine la Piémontaise. Elle élève son troupeau de chèvres, connaît les collines par cœur, mais se cache dès qu’elle aperçoit les habitants des Bastides Blanches. À quinze ans, elle est devenue une magnifique jeune fille au regard aussi sauvage que son caractère. Après ces quelques années, Ugolin en tombe follement amoureux en la voyant. Cette folie l’entraîne alors dans une chute tragique lorsqu’il comprend qu’elle ne voudra jamais de lui. Lorsque Manon découvre que le drame qui a emporté son père découle directement de l’avidité des Soubeyran et du silence du reste du village, elle décide de se venger en asséchant la source vitale du village.
Manon des sources est le tome de la culpabilité, de la vengeance et de la rédemption. Ugolin se laisse dévorer par son amour pour Manon autant que par sa culpabilité, c’est son châtiment ultime pour avoir lui-même avalé les rêves de Jean. Les habitants des Bastides Blanches, eux aussi, voient la foudre s’abattre sur le village. Par leur silence, ils ont laissé Jean de Florette mourir. Par leur communautarisme, ils ont choisi de ne pas aider cet étranger qui était pourtant tout aussi légitime à être là qu’eux. Par cette loi tacite du silence, les Bastidiens se sont attirés les foudres de la jeune Manon. Et puis il y a le Papet, le vieux Soubeyran, dont la pénitence finale sera de savoir, comme dans une antique tragédie grecque, qu’il a lui-même manié l’arme qui a provoqué son agonie.
La délivrance arrive pour chacun de différentes manières et c’est Manon qui en est à chaque fois le mécanisme central, par le pardon ou par le drame. Cette petite Manon qui par son courage et son innocence fait un peu penser à la justice divine, mais surtout à une justice plus réaliste, une justice vengeresse et pas seulement cruelle comme celle de la religion. Manon est la colère, la haine, mais aussi la compassion et le pardon. Elle est l’incarnation de la franchise, du naturel, mais aussi de l’humanité : elle n’est pas parfaite, elle est humaine.
Manon des sources est une conclusion pleine de douceur et de tristesse à cette tragédie. Ce roman rappelle que les secrets, les non-dits et la méfiance finissent toujours par empoisonner les gens qui les portent, plus ou moins lentement. L’orgueil n’est jamais l’allié le plus loyal, il est celui qui finit un jour par précipiter notre chute.
Marcel Pagnol a su utiliser la simplicité de la vie de la campagne pour analyser une bonne partie de la complexité de l’humanité. Ses personnages tout en nuances sont portés par une plume toujours aussi délicieuse qui offre un pur moment de plaisir.
« […] Manon, ton père est mort. Il n’a plus de soucis. Moi, j’en ai. Il a vu sécher ses coucourdes, et ça fait pleurer tout le monde. Et moi, au même endroit, je vais voir crever mes œillets, et je vais mourir d’amour pour toi, et ça fera de la peine à personne ! » p. 223